14/03/2011
Le juge sinusoïdal
Edgar Faure, en bon centriste, a établi de manière définitive que ce n'est pas la girouette qui tourne mais le vent. Un vent d'Autan puissant a du souffler sur la Cour de cassation qui vient de modifier de manière spectaculaire sa position en matière de modification du contrat de travail. Jusqu'alors, le juge considérait que toute décision de l'employeur ayant un impact sur la rémunération (montant ou mode de calcul) supposait l'accord du salarié. Et notamment, le juge imposait que les objectifs, lorsqu'ils déterminaient une part de rémunération variable, soient fixés par accord entre l'employeur et le salarié, ce qui n'était pas nécessairement le cas lorsque les objectifs n'étaient utilisés que pour manager la performance, sans entrer dans la base de calcul de la rémunération.
Saisie par un salarié dont l'entreprise a révisé unilatéralement les objectifs qui servent à calculer sa rémunération, la Cour d'appel de Grenoble applique la jurisprudence de la Cour de cassation. A tort lui dit celle-ci qui établit une nouvelle règle : les objectifs relevant par principe du pouvoir de direction, ils sont fixés unilatéralement même lorsqu'ils impactent la rémunération. Les seules conditions sont d'informer le salarié en début de période de réalisation des objectifs et de fixer des objectifs réalistes. Tant pis pour la COur d'appel qui a raisonné de manière linéaire, alors que, branchée sur courant alternatif, la Cour de cassation produit des raisonnements en forme de sinusoïde.
On ne peut trouver meilleur exemple pour illustrer que le juge décide absolument ce qu'il veut, et qu'ensuite il construit le raisonnement qui lui permet de justifier sa décision. En l'espèce, la décision aurait pu être exactement inverse avec la même rigueur juridique. Rappel que le droit n'est pas une science exacte mais de la littérature, qu'aucun contentieux n'est jamais gagné, et donc perdu, d'avance et qu'il faut parfois un certain flegme pour accueillir certaines décisions, lequel flegme est plus facile à pratiquer pour le commentateur que pour les parties concernées. Bonne semaine à tous.
09:09 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rémunération variable, objectifs, contrat de travail, droit, droit du travail, ressources humaines, jurisprudence, cour de cassation
11/03/2011
Confidentialomanie
La confidentialomanie est une pathologie dont on peut constater les progrès permanents, ne serait-ce qu’en comptant les confidentialopathes. Comment les repérer ? vous avez les kleptomanes de la confidence qui débutent leurs phrases par : « Je vais te dire quelques chose, mais c’est confidentiel… » et leurs cousins qui ponctuent leur révélation d’un : « ce que je t’ai dis est confidentiel ». Ceux-là sont inoffensifs. Il y a ceux qui ont leur petit tampon rouge « CONFIDENTIEL » qu’ils utilisent jusqu’à risquer la tendinite. Pas un courrier, pas un mail, pas un document, qui ne soit estampillé. Ceux-là ont le regard suspicieux, mais moins que ceux qui ne disent rien, ne tamponnent rien mais trouvent suspecte toute personne qui approche la photocopieuse, laisse trainer des clés USB sur son bureau ou s’exprime volontiers au téléphone. Leur mutisme s’accompagne d’une angoisse diffuse qui les précède.
Et puis, et ce sont les plus dangereux, il y a ceux qui prennent la confidentialité véritablement au sérieux et deviennent des professionnels du secret. Lorsqu’ils travaillent aux ressources humaines, ils commencent par inclure des clauses de confidentialité dans tous les contrats de travail, ils se transforment en douanier américain pour enquêter sur les stagiaires qui pourraient être des espions voire pire, ils interdisent toute diffusion de documents dès lors qu’un logo de l’entreprise y figure, serait-ce par inadvertance et ils sculptent ensuite une gigantesque langue de bois dont ils usent avec tout le monde, par principe, mais plus encore avec les représentants du personnel. Toute phrase prononcée doit être COM-MU-NI-CANTE, c'est-à-dire n’avoir qu’un lointain rapport avec la réalité réelle et tout à voir avec la réalité fantasmée dans laquelle ils vivent. Déroger à ces règles d’or, c’est déjà être déloyal. Ils connaissent les règles sur le bout de leur code, savent lire vos mails en toute légalité (on ne parle pas ici de déontologie, ni de morale, ni d’éthique), vérifient les listings téléphoniques, et multiplient les moyens de contrôle. La circulation électronique de l’information est à la fois leur univers et leur cauchemar, les réseaux sociaux sont sataniques et les blogs syndicaux traqués sans répit. Bref, ils sont submergés de travail à proportion de leur paranoïa. Mais pendant ce temps, personne n’a répondu à la question de départ : qu’est-ce qui est véritablement confidentiel dans une entreprise ?
12:52 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confidentialité, entreprise, management, ressources humaines, protection, communication, information
10/03/2011
Si proche étranger
L'histoire se passe dans un village d'une vallée ariègeoise. Un habitant du cru me parle d'un de ses concitoyens qui a mal tourné en se mariant avec une étrangère. Diable ! et de quel continent ? du village voisin qui est à cinq kilomètres. Il est vrai que quelques années plus tard, dans un autre village au coeur d'une plaine ouverte, il fut débattu en Conseil municipal de l'accueil d'enfants étrangers à la cantine de l'école. D'où venaient donc ces enfants sans cantine ? du village d'à côté. L'avocat des salariés licenciés dans l'affaire jugée le 2 mars dernier par la Cour de cassation venait peut être d'un des villages, car il contesta le licenciement de ses clients au motif que la lettre de licenciement avait été signée par un intérimaire recruté pour assister le DRH. Pour l'avocat, cet assistant était un étranger à l'entreprise et ne pouvait décider des licenciements. L'étranger a beau être proche, il n'en reste pas moins étranger.
La Cour de cassation balaie l'argument et l'affirme clairement : un intérimaire n'est pas étranger à l'entreprise dans laquelle il effectue sa mission. On peut donc être différent sans être étranger, merci au Tribunal de cette précision. Et la Cour écarte avec la même autorité le second argument de l'avocat : l'intérimaire n'avait pas de délégation de pouvoir écrite. Elle rappelle que son contrat de mission portant sur l'assistance du DRH, sa qualification incluait le pouvoir de licencier. Voilà qui invite les entreprises à se souvenir que la qualification contractuelle est la première manière de définir le périmètre de la mission d'un salarié, ou d'un intérimaire donc, et son champ de responsabilité. Et pour ces deux rappels, on félicitera le Juge de n'être pas étranger à ce qui se passe dans un monde qui n'est pas le sien.
10:17 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jurisprudence, étranger, intérim, travail temporaire, licenciement, droit du travail, droit, drh, ressources humaines
01/03/2011
Il pleut sur l'arroseur
Semée au début des années 80, l'individualisation des relations de travail a prospéré aussi rapidement qu'un plant d'OGM dans la plaine alluvionaire de la Garonne. Objectifs individuels, augmentations individuelles, missions spécifiques, entretiens individuels, droit individuel à la formation, négociations individuelles des départs, compétences individuelles...le collectif a peu à peu disparu du paysage, sous couvert d'une reconnaissance de l'individu placé au centre. Au centre de quoi ? assez souvent de la gestion de situations que l'organisation ne sait plus traiter et qu'elle renvoie vers le dernier maillon, le salarié, dont on s'étonne ensuite qu'il puisse être faible. Le droit du travail n'a pas échappé, pourquoi l'aurait-il fait ?, à ce mouvement. La promotion du contrat de travail et sa capacité de résistance à la règle collective en est la marque. Les juges viennent d'en administrer une nouvelle preuve, qui pourrait bien faire des thuriféraires du management individualisé des arroseurs arrosés.
Par deux décisions rendues le 19 janvier 2011 (Cass. soc., 1 ; Cass. soc., 2), la Cour de cassation vient de condamner pour discrimination syndicale des entreprises qui n'avaient pas organisé d'entretien individuel pour des représentants du personnel et, pour l'un d'entre eux, avaient réduit son accès à la formation. De technique manageriale, l'entretien individuel devient ainsi un droit pour le salarié, même pour celui qui n'exerce pas d'activité du fait de ses mandats. De quoi parler ? de ses compétences, de sa capacité à reprendre une activité, de sa situation comparée au sein de l'entreprise, de sa carrière, etc. Pas de son mandat ni de sa performance. Mais il reste de quoi faire. Gérard-Lyon Caen avait écrit il y a quelques années un opuscule intitulé "Le droit du travail, une technique réversible". Il y démontrait le passage d'un droit protecteur du salarié à une technique de management. Et bien voilà que le juge se met à faire exactement l'inverse.
11:44 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : entretien individuel, management, ressources humaines, formation, lyon-caen, droit du travail, discrimination, syndicat
23/02/2011
Quelle table voyez-vous ?
Si vous regardez une table de bois, un premier niveau de vision permet d'identifier la nature de ce bois qui la compose : chêne, merisier, noyer, cerisier, bouleau...la couleur, la texture, la patine fournissent à votre oeil exercé les informations suffisantes. Vous pouvez aussi voir cette table à l'aide des connaissances du XXème siècle et la considérer comme un ensemble d'atomes agrégés qui constituent une forme solide. Avec un regard plus actuel, la table devient un nuage d'éléments subatomiques dont la substantialité commence à devenir douteuse. Comme le dit Peter Sloterdijk, le savoir le plus récent est souvent le plus déconcertant.
Alberto Giacometti - Table surréaliste - 1933
Vous pouvez également, à l'aide de Giacometti, modifier la destination de la table et en faire un support de votre pensée en mouvement, nourrit d'imaginaire. Peut être alors, verrez-vous apparaître une nouvelle table qui ne sera plus objet mais sujet. A ce stade, vous n'êtes plus seul.
Victor Brauner - Loup-Table - 1939-1947
Toutes ces visions ont leur vérité. Lesquelles ne communiquent pas forcément. Le regard immédiat ou d'habitude, le regard de connaissance, le regard d'expertise, le regard symbolique et le regard poétique vous présentent la table dans toutes ses dimensions ou presque. Presque car il n'est pas sur que la liste des regards possibles soit exhaustive. Mais votre manière de regarder vous en apprend plus sur vous même que sur la table regardée. Pour accéder à cette connaissance, il faut mais il suffit, de savoir quelle table vous voyez et de ne pas oublier que d'autres tables sont possibles.
02:40 Publié dans DES IDEES COMME CA, PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brauner, giacometti, sloterdijk, table, vision, management, ressources humaines, formation
22/02/2011
Le mouvement de la toupie
Réunion dans une grande organisation. Présentation d'un projet aux responsables ressources humaines qui devront participer à sa mise en œuvre. Le DRH est à la baguette, et ce n’est presque pas une image. Silence dans les rangs, sauf un jeune RRH qui manifestement prend sur lui, mais choisit tout de même de ne pas rester silencieux : « Le projet que vous nous demandez de relayer comporte des lacunes importantes. Je peux les lister. Mais dès qu’on argumente contre ce que vous avez décidé on est catalogués comme résistants au changement. Il faudrait tout de même entendre nos arguments ». Le DRH, pris au dépourvu, plonge dans la bouteille de l’expérience pour faire réponse : « Bien entendu nous tiendrons compte et intègrerons, dans toute la mesure du possible, vos remarques. Mais le sens du projet ne peut être remis en cause. Il faut qu’on avance ». Autrement dit, ce que vous dites est nul et non avenu et vous auriez pu faire l’économie de la ramener. Et encore autrement dit, la démonstration que le RRH avait vu juste.
Andrzej Malinowski - Toupie
Toute réforme n’est pas une avancée par principe et il serait parfois meilleur de s'abstenir que de faire. On connaît l’adage : faire que tout bouge pour que rien ne change. Le mouvement perpétuel ne serait donc qu’une variante de l’immobilisme ? et pourquoi pas ? vous avez déjà observé une toupie ? son mouvement déplace surtout du vent.
00:43 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : toupie, consultant, ressources humaines, rrh, drh, réforme, management
21/02/2011
D'une main de maître
Un artiste a nécessairement une technique, si ce n'est de la technique. Il maîtrise des manières de faire qu'il a mises au point par apprentissage, copie, emprunt, recherche, découverte,...Il créé son propre alphabet. Mais cela ne suffit pas à faire un langage. Toute la question est dans l'utilisation de cet alphabet. Pour quoi faire et pas seulement comment faire. Car le comment n'est pas ce qui caractérise le plus l'artiste, dont les techniques sont reproductibles. Quel que soit le talent du maître, l'oeuvre est reproductible dès lors qu'elle est produite. Vous en doutez ? regardez plutôt :
Artiste chinoise et la reproduction du Pape de Bacon
Photo : Michael Wolf
Qui a peur de l'ogre chinois, appréciera les thèmes choisis par ces jeunes filles de Pékin pour exercer leur art de la copie.
Artiste chinoise et copie de Saturne dévorant ses enfants de Goya
Photo : Michael Wolf
Si le travail des jeunes copistes est un travail d'artiste, celui de l'artiste est donc autre chose, au-delà de la technique. Quoi ? ce qui est à la base de toute création dans tout domaine, la condition sine qua non pour que surgisse la vie, je veux parler de la capacité d'imagination. Produire, reproduire, apprendre à faire, tout cela est parfait, mais ce qui fait l'individu ainsi que ce qui fait, au plan collectif, une société, c'est sa capacité d'imagination. Et cela, la main de maître n'y suffit pas.
10:04 Publié dans TABLEAU NOIR, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : copie, peinture, chine, goya, bacon, michael wolf, imagination, management, ressources humaines, formation, éducation
11/02/2011
Société du contrat
Près d'un tiers des familles sont des familles recomposées. Corrélativement, le nombre de mariages et de PACS ne cesse d'augmenter. Et alors ? alors on peut y voir un signe que notre société évolue de la norme de l'institution vers celle du contrat. Tout étudiant en droit apprend que le mariage a une double nature. Celle d'institution, le mariage ayant un régime préétabli auquel on adhère, et celle de contrat, l'adhésion s'effectuant par une double volonté, expresse et commune. Il ne s'agit donc pas d'un contrat dont les termes sont librement définis et dont on pourrait revisiter à loisir le contenu, mais d'une adhésion contractuelle à une institution. Le contrat de mariage ne règle d'ailleurs que les questions financières, il ne définit pas le mode de relations entre époux qui sont déterminées par la loi et non négociables, au moins au plan juridique. Il est dès lors logique que si, entre les conjoints, la dimension contractuelle prend le pas sur l'institution, le nombre de ruptures ne peut qu'augmenter. Et à l'évidence, la dimension institutionnelle du mariage se perd au profit de sa dimension plus contractuelle. Comme Eros et Psyché s'opposèrent à la colère des Dieux pour faire prévaloir leur amour interdit.
François Picot - Eros et Psyché - 1817
Si ce bouleversement a lieu dans la vie privée, il ne peut être absent de la vie publique et de la vie sociale. Et lorsque l'on parle du déclin des institutions (Eglise, Armée, Ecole, Entreprise, Etat,...) il s'agit sans doute moins d'un rejet global que d'une demande d'évolution de la relation, d'une contestation de l'autorité descendante, de l'organisation pyramidale, de la prescription sans explication, de la vérité hiérarchiquement et institutionnellement établie, bref d'un certain ordre social. Et d'une demande, quel que soit son rang, sa place et sa fonction, a être traité sur un plan égalitaire dont la traduction est la relation contractuelle. Or, l'institution est un repère simple à la pratique aisée, puisque tout est prédéterminé, alors que le contrat suppose de renégocier régulièrement, de partager le pouvoir, de voir redéfinie sa légitimité, de n'avoir comme acquis que sa capacité de persuasion, de considérer que tout compromis n'est pas de la compromission, de ne plus aborder les problèmes en terme de tort/raison mais de solution à construire, etc. Bref, le contrat est d'une pratique plus coriace que l'institution. Le paradoxe est que l'institution contestée est aussi recherchée pour la protection qu'elle offre : étant prédéfinie, elle offre des garanties à qui ne peut ou ne sait négocier et sa stabilité peut rassurer. On aura compris que la question n'est pas d'opposer l'institution au contrat, mais de faire évoluer celle-ci pour laisser plus de place à celui-là.
10:40 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : contrat, institution, mariage, familles recomposées, pacs, eros, psyché, peinture, art, ressources humaines, droit, droit du travail
10/02/2011
Se parler ou remplir des cases
Petit-déjeuner organisé par DEMOS sur le thème des entretiens individuels. Pour présenter la question, recensement des pratiques dans le domaine : pas moins de 16 entretiens différents identifiés dans les processus RH, et la liste n'est sans doute pas exhaustive. Et parmi eux, trois entretiens obligatoires : l'entretien professionnel, l'entretien avec les salariés en forfait jours et l'entretien de seconde partie de carrière. En attendant le bilan d'étape professionnel promis pour la fin de l'année. Depuis 2004 donc, date de création de l'entretien professionnel, se multiplient les injonctions légales que l'entreprise parle avec ses salariés. On constatera, ce n'est pas un hasard, que dans le même temps se multiplient les obligations de négociation collective : emploi senior, emploi des travailleurs handicapés, égalité professionnelle, pénibilité à venir, etc.
On peut être juriste et considérer que l'intervention législative est un échec : si la loi oblige c'est que le fait manque. Tant d'incitations à se parler individuellement et collectivement constitue un éloquent diagnostic de l'état des relations sociales.
Magritte - L'art de la conversation
Le pire c'est lorsque l'obligation conduit à adopter un processus formel qui se substitue au dialogue et bâtit peu à peu cette muraille de pierre qui écrase les interlocuteurs. La rigidification du dialogue devient alors exactement l'inverse de l'objectif recherché telle cette entreprise dans laquelle l'entretien annuel fonctionne en workflow ce qui permet au salarié et à son manager de remplir les cases sans plus avoir besoin de se parler. Mais la RH est satisfaite avec un taux de retour proche de 100 % ce qui permettra de d'affirmer que le dialogue fonctionne. Et l'on constatera que partout où la norme avance, le dialogue recule. Si vous voulez vraiment que vos salariés se parlent, ne leur demandez pas de remplir des cases.
02/02/2011
Historique des formations : c'est parti !
La loi du 24 novembre 2009 impose à toutes les entreprises de tenir à disposition des salariés les historiques des emplois occupés et des formations suivies afin, notamment, qu'ils puissent alimenter leur passeport formation (C. trav., art. L. 6315-2). La Cour de cassation n'a même pas eu besoin de ce texte, inapplicable en l'espèce puisque les faits lui étaient antérieurs, pour sanctionner l'employeur qui est incapable de fournir à un salarié l'historique des formations suivies pendant les 16 années passées dans l'entreprise (Cass. soc., 19 janvier 2011). Selon le juge, le salarié devait pouvoir disposer des traces officielles de son parcours dans l'entreprise, incluant les formations suivies. Balises de la compétence, les formations constituent pour le salarié des traces phosphorescentes dont il importe de garder la mémoire.
Joan Miro - Personnages dans la nuit guidés par les traces
phosphorescentes des escargots - 1941
L'idée que le salarié ne doit pas conserver que ses bulletins de salaire pour faire valoir ses droits mais également les preuves des compétences acquises pendant son activité professionnelle progresse donc. C'est pour cette raison que la même loi du 24 novembre 2009 a créé l'obligation pour toute enteprise (formations internes) ou organisme de formation (formation externe) de remettre à chaque participant une attestation individuelle de suivi de la formation comportant les objectifs, la nature et la durée des actions ainsi que les résultats de l'évaluation des acquis de formation, lorsque une telle évaluation a lieu (C. Trav., art. L. 6353-1). En effet, cet article impose une obligation d'informer et non une obligation de faire. Il en résulte que l'évaluation des acquis n'est pas obligatoire de manière systématique, comme le confirme l'administration dans une circulaire du 6 janvier 2011 (voir ci-dessous).
Sous l'effet des partenaires sociaux, créateurs du passeport formation, du législateur et dorénavant des juges, voici les entreprises tenues d'assurer la traçabilité de la gestion des compétences des salariés, sans limitation de durée. Ne pas disposer d'un SIRH qui gère les historiques de formation est donc officiellement depuis le 19 janvier dernier une négligence sanctionnable par des dommages et intérêts (2 000 euros dans l'affaire en question). Après avoir tracé les financements, les responsables formation traceront donc les actions de formation avant de tracer les compétences validées. S'ils trouvent ce travail fastidieux, qu'ils s'imaginent en escargots disposant dans la nuit des traces phosphorescentes pour guider les salariés. Cela devrait tout de suite aller mieux.
01/02/2011
Enfin des femmes incompétentes !
Trouver des hommes incompétents dans un Conseil d’administration n’est pas très compliqué. Des femmes c’est beaucoup plus difficile. La loi des grands nombres dans un premier temps et les implacables statistiques. Le nombre d’incompétents est forcément plus élevé parmi 92 % d’une population que parmi 8 %. Et puis l’analyse qualitative. Pour parvenir à être nommée au sein d’une tribu endogamique qui ne coopte que ce qui lui ressemble, une femme doit témoigner de capacités bien supérieures à la moyenne du premier administrateur homogène venu. Si le nombre de femmes incompétentes va augmenter dans les conseils d’administration, c’est que la loi du 27 janvier 2011 impose un quota de 40 % au moins de personne de chaque sexe dans les conseils d’administration des entreprises de 500 salariés et plus. Voilà une des échelles destinées à transformer le plafond de verre en plancher des vaches.
Andrew Benyei - Snakers et ladders - 2007
Certes, la loi a quelques timidités. Par exemple, l’obligation ne s’appliquera qu’en 2017. L’Espagne a voté la même loi en 2007 qui s’appliquera en 2015 : Zapatero ne sera sans doute plus au pouvoir mais il aura toujours un coup d’avance. Ou encore, les délibérations prises par un conseil d’administration illicite ne seront pas remises en cause au nom de la sécurité des affaires. Le législateur a trouvé une autre forme de sanction : leurs rémunérations ne seront plus versées aux administrateurs si le quota de femmes n’est pas atteint. Par contre, ils toucheront le pactole rétroactivement dès que la loi sera respectée. Le législateur a tout de même mauvais esprit de considérer que les mâles administrateurs pourraient ne pas être motivés par l’objectif d’intérêt général mais uniquement par le fait de toucher leur argent. Il n’y a pas à dire, la beauté du geste se perd. Vive les femmes incompétentes et les actes gratuits !
31/01/2011
Quand la GPEC sert à quelque chose
L'entreprise connaît une restructuration. Elle signe un accord de GPEC dont le but est de mettre en oeuvre le choix de la restructuration qui est présentée comme une obligation incontournable. En l'occurence, l'accord indique que les situations individuelles seront prises en considération et que les salariés qui le souhaitent seront accompagnés pour changer de fonction. Questionnée par l'employeur une salariée exprime son choix de ne pas en changer, de fonction. L'employeur ne s'y oppose pas, mais modifie pourtant unilatéralement les fonctions de la salariée, avant de lui imposer la signature d'un avenant à son contrat de travail. Saisissant l'occasion ainsi fournie, la salariée quitte l'entreprise et prend acte de la rupture de son contrat de travail. Le Conseil des prud'hommes puis la Cour d'appel de Dijon lui donnent raison : l'employeur n'ayant pas respecté les termes de l'accord de GPEC qu'il a signé, il en résulte un comportement déloyal et une rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs.
Gael Chapo - Trahison n° 23 - 2006
La lecture des accords de GPEC laisse souvent dubitatif : condensé de déclarations d'intentions, de processus ressources humaines et d'actions manageriales, sa portée juridique n'est guère évidente. Relevant de la catégorie du droit mou, l'accord de GPEC fait souvent figure d'objet juridique non identifié. Rendons grâce au juge de transformer la prose gestionnaire en engagement juridique sanctionnable. Et de la manière la plus spectaculaire qui soit puisque le manquement aux engagements de l'accord permet à un salarié de prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur (dans le cas d'espèce, six mois de salaire sont attribués à la salariée). On imagine la situation si tous les salariés se mettent à rechercher dans les accords seniors, travailleurs handicapés, égalité professionnelle, GPEC donc et autres, les arguments qui leur permettront de rejouer cette version moderne de "Prends l'oseille et tire toi" ou si l'on préfère le vénérable Jean de Lafontaine : "Vous avez signé, et bien exécutez maintenant". La semaine ne sera pas de trop pour que chacun se plonge dans les dits accords pour voir ce qu'ils recèlent d'opportunité. Bonne lecture !
00:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gpec, ressources humaines, prise d'acte, rupture du contrat, contrat de travail, droit, droit du travail
28/01/2011
Acteur dirigé
L'exposition Basquiat, initialement présentée à Bale, est visible au Musée d'art moderne de Paris jusqu'au lundi 30 janvier. On peut y apprécier la redoutable créativité d'un jeune homme qui fut un véritable citoyen du monde tant la mixité culturelle lui est naturelle. Aux frelatés de l'identité nationale on conseillera de réserver une paire d'heures ce week-end pour s'ouvrir les chakras.
La visite de chaque toile est un voyage dans les couleurs, le mouvement, les symboles, les associations, comme l'on avancerait dans un livre avec le plaisir d'en parcourir les pages et le désir qu'il ne finisse jamais.
Parmi les surprises qui ne manquent jamais de surgir en de telles occasions, celle-ci. Au détour d'une toile une caméra qui filme un "subject". La surprise vient du fait que la caméra doit plutôt filmer des acteurs, mais voici que le dit acteur est ici réduit au rang de sujet.
Jean-Michel Basquiat - Zydeco - 1984
Cette position de l'acteur devenu marionnette-sujet sous le pinceau de Basquiat interroge alors que depuis 2003-2004, il n'est question dans les textes législatifs ou conventionnels consacrés à la formation que de "salarié acteur". Que fait l'acteur dans un film ? ce que lui demande le metteur en scène, qu'en anglais on nomme le Directeur d'acteurs. Etre acteur c'est évidemment être dirigé et jouer un rôle. Pour ceux qui pensaient qu'être acteur renvoyait à plus d'autonomie traduite par une prise en compte des motivations personnelles et la reconnaissance de chacun, il est vraiment nécessaire de faire un détour par l'exposition Basquiat avant lundi pour apprécier le lapsus sémantique qui se cache derrière la notion de salarié acteur.
00:06 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : basquiat, acteur, salarié acteur, formation, ressources humaines, management, cinéma, exposition, peinture
25/01/2011
De l'inégalité des diplômes
La Cour de cassation poursuit, en ce début d'année, la saga du diplôme comme élément licite, ou non, de différenciation des salaires. En clair, peut-on payer différemment deux salariés qui font le même travail uniquement parce qu'ils n'ont pas le même diplôme ? La Cour de cassation a déjà répondu positivement à cette question si les diplômes détenus par les salariés sont de niveaux différents. Elle fait aujourd'hui évoluer cette position : une différence de diplôme ne justifie une différence de traitement que s'il est démontré l'utilité particulière des connaissances acquises au regard des fonctions exercées (Cass. soc., 11 janvier 2011). Diplômé en droit, Kandinsky ne peut donc valoriser ses diplômes dans son activité de peintre.
Vassily Kandinsky - Composition IV
Cette décision a le mérite de revenir à une interprétation plus stricte du principe "Travail égal, salaire égal". S'il est possible de valoriser un niveau de diplôme, c'est à condition que celui-ci ait un lien avec l'activité. A défaut, disposer d'un diplôme ne vaut pas brevet général de compétences.
La portée de cette décision n'est pas mineure puisque, si elle est confirmée, elle mettra à mal les politiques de rémunération mais également les conventions collectives, qui font une différence entre les diplômes uniquement en fonction de leur niveau ou de l'école dans laquelle ils ont été préparé alors que les juges nous demandent de vérifier son utilité par rapport au travail exercé.
Si le juge voulait s'auto-alimenter en contentieux, il ne s'y prendrait pas d'une autre manière. Voilà une profession que le chômage ne guette guère.
02:32 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail égal, salaire égal, discrimination, diplôme, jurisprudence, droit, droit du travail, ressources humaines, kandinsky, peinture
19/01/2011
En direct du bocal
On peut être gré à ceux qui tentent de poser en terme de bien être au travail, pour le plaisir on attendra encore un peu, ce qui est habituellement présenté comme la souffrance ou le mal être au travail. Jeunes, et donc emplis d'enthousiasme, entrepreneurs, et donc entreprenants, humanistes autoproclamés, et donc soucieux de le démontrer, les membres du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) viennent de publier un pré-rapport sur le bien être au travail dont le contenu attise notre désir de disposer enfin du rapport final. Ce travail collectif met à l'honneur 8 séries de propositions auxquelles ne manqueront pas de se référer dorénavant tous les managers soucieux du bien être de leur collaborateurs, c'est à dire tous à l'exception de quelques personnalités perverses polymorphes qui, refusant de voir dans l'oeuvre du CJD un bréviaire révolutionnaire, se dénonceront d'eux même à la vindicte populaire et justifiée.
Parmi les multiples propositions formulées pour améliorer le bien être, la plus créative et innovante est sans conteste La réunion pour rien. Je cède la plume au CJD : "Organiser des réunions pour « rien » ! Le principe est simple ; il s’agit de réunir quelques personnes dans une salle et de lancer la réunion par un silence, en laissant se mettre en place un moment d’échange sans objectif, juste pour permettre à chacun de parler de ce dont il a envie à cet instant.". Soucieux de pratiquer les méthodes modernes de management qui m'échappent parfois, j'ai décidé d'expérimenter la réunion pour rien. N'ayant ni salarié ni associé et pas de client ou stagiaire sous la main, j'ai cherché avec qui partager le silence, voici le résultat.
Le consultant en "Réunion pour rien" avec un partenaire
Constatez le résultat : l'atmosphère de bonheur, de détente et d'apaisement ne peut que vous submerger et, peut être, vous amener vous aussi vers le bien être au travail. Et dire que le bréviaire du CJD comporte des dizaines d'autres recettes de ce type. Annonçons avec plaisir qu'en ce début d'année 2011, fi de la morosité, grace à l'énergie de jeunes dirigeants et de quelques uns de leurs acolytes, voici vaincu le mal être. Saisissez vous de leurs recommandations et vite, tous au bocal !
00:19 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bien être, mal être, travail, cjd, centre des jeunes dirigeants, souffrance au travail, réunion, santé, ressources humaines, management
13/01/2011
Pour ne pas manager, essayez le management par objectifs
En ce mois de janvier 2011, les agents de surveillance de la voie publique de la ville de Rennes, autrement dit les Pervenches, ont fait grève pour protester contre le nombre de PV journaliers que leur impose la mairie. A Toulouse, la Direction régionale de la SNCF a sanctionné un de ses agents pour n’avoir pas suffisamment contrôlé de tickets et émis de PV. Le mal n’est pas que Français, en Pologne au mois de décembre dernier, un agent de police s’est infligé un PV à lui-même pour atteindre son quota et ne pas être pénalisé financièrement. Le calcul est rationnel, la perte étant plus importante que l’amende.
Lorsque le management atteint à ce point l'absurde, il faut chercher secours auprès des spécialistes et des experts en la matière. F'MURR est de ceux-là, consacré notamment au titre du fabuleux Génie des alpages.
Avec l'aide de l'expert, on parvient plus vite à la solution : réduire le management par objectifs à l'atteinte de résultats chiffrés c'est appliquer la même règle unique à tous sans aucune personnalisation et sans avoir à faire preuve d'une quelconque créativité, ce qui revient en clair à ne plus manager. Et l'on comprend mieux du coup le succès de la méthode.
(Pour lire la planche de F'Murr en préservant sa vue : F'Murr-PlancheManagement.docx)
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10/01/2011
Temps partiel peu avenant
Au cours des années 90, le temps partiel était considéré comme un outil de la politique de l'emploi et il convenait de l'encourager. Il fut d'ailleurs assorti d'exonérations de cotisations sociales : tout contrat était un emploi, serait-ce à temps partiel. Depuis le début des années 2000, changement de régime : considérant que le temps partiel était plus souvent subi que choisi, le législateur (en l'occurence la loi Aubry de janvier 2000 pour l'essentiel) fit le choix, jamais remis en cause depuis, de rendre plus strictes les règles relatives au travail à temps partiel pour ne pas en faire un outil de flexibilité du travail à disposition des entreprises. Ce renversement de perspective pris, on s'en doute, un certain temps avant d'entrer dans les moeurs. D'où l'occasion pour le juge de s'associer régulièrement à cette oeuvre de cantonnement du travail à temps partiel, qui pour être valide doit rester...partiel.
Salvador Dali - Hallucination partielle
Dans une décision du 7 décembre 2010, la Cour de cassation décide que le régime des heures complémentaires doit s'appliquer à des heures de travail effectuées par un salarié à temps partiel en application d'un avenant prévoyant une augmentation temporaire de son temps de travail. On connait la manip : une embauche à temps partiel sur une base réduite et puis en fonction des besoins (surcroît d'activité, absence d'un salarié, ...) conclusion d'un avenant qui pendant quelques jours ou quelques semaines augmente le temps de travail. Ce détournement manifeste a déjà été sanctionné par le juge. En l'espèce, un élément supplémentaire est apporté dans la mesure où cette pratique était prévue par la convention collective (secteur de la propreté). Peu importe dit le juge, les règles du Code du travail sur le travail à temps partiel sont d'ordre public et une convention collective ne peut y déroger. Les heures effectuées dans le cadre de l'avenant constituent des heures complémentaires qui doivent donc être majorées à 25 % et doivent également être comptabilisées sur 12 mois et leur moyenne automatiquement ajoutée à la durée contractuelle de base. Rajoutons un risque supplémentaire, si l'avenant conduit à faire travailler le salarié à temps partiel à temps plein, serait-ce pendant une courte période, la requalification du contrat en contrat à temps plein pourrait également être demandée.
Il est donc désormais acquis que l'avenant qui augmente ponctuellement la durée du travail à temps partiel est illicite, indépendamment de la volonté du salarié ou des dispositions de la convention collective. Nouvelle occasion pour le juge de rappeler que le champ du négociable ne s'étend pas à l'infini mais qu'il est borné par les dispositions légales.
Petite remarque en forme de jeu : cherchez la logique qui veut que l'on encourage les heures supplémentaires et dissuade les heures complémentaires. Cadeau surprise à la clé !
10:36 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : temps partiel, droit du travail, avenant, contrat, jurisprudence, droit social, ressources humaines
07/01/2011
Trop tard ? trop tôt !
« Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis 7 000 ans qu’il y a des hommes». La formule de La Bruyère pourrait nous convaincre que l’homme ne fait que ressasser et que, au moins pour ce qui concerne les questions fondamentales, l’essentiel est accompli et rare la nouveauté.
Le juge partage ce diagnostic. Le Conseil des Prud’hommes de Nanterre a condamné le fait pour une entreprise d’évaluer ses salariés sur le critère d’innovation au motif que l’on ne créé pas tant que cela de choses nouvelles. Dit par ceux qui sont confrontés tous les jours à la prolifération de textes nouveaux, l’argument pourrait être de poids. Il rejoint le sentiment courant du « rien de nouveau sous le soleil », ou de « rien de neuf, que du vieux » ou encore avec un peu plus de sophistication le « rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Et pourtant, la conviction n'est pas plus emportée que par le médiocre et un peu ranci "si jeunesse savait, si vieillesse pouvait".
Anne Brérot - Bientôt - 2006
Dans ses Poésies, parues en 1870, Isidore Ducasse, autrement dit le Comte de Lautréamont, inverse la proposition : « Rien n’a été dit. L’on vient trop tôt depuis sept mille ans qu’il y a des hommes ».
Pour éclairer la phrase, sollicitons Descartes le raisonneur : «Il n y a pas lieu de s'incliner devant les Anciens à cause de leur antiquité, c'est nous plutôt qui devons être appelés les Anciens. Le monde est plus vieux maintenant qu'autrefois et nous avons une plus grande expérience des choses". Voilà percé le mystère, rien n’a été dit car ces Anciens étaient un peu jeunes, comme nous le confirme Pascal avec la fulgurance qui le caractèrise : «Ceux que nous appelons Anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses... ».
Il serait bon de s’en souvenir à l’heure où l’on veut faire de tout senior un tuteur et/ou un formateur potentiel.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lautréamont, la bruyère, descartes, pascal, anne brérot, senior, tuteur, formateur, ressources humaines, peinture, poésie
30/12/2010
Transmettre n'est pas toujours la solution
Au départ, une équation simple : la passe fait courir le ballon plus vite que le joueur. Si l'on veut accélérer le jeu et prendre de vitesse l'adversaire il faut donc transmettre. Tel est le principe autour duquel s'ordonne, depuis des décennies, le jeu des toulousains. Passe avant contact, après contact, jeu debout, redoublements, soutien permanent, un collectif au service de la vie du ballon et du jeu et de la transmission donc. Laquelle ne vit pas que sur le pré. Depuis toujours, le club a des entraîneurs qui ont été joueurs au club, et souvent formés par lui. Tradition jamais remise en cause qui a permis le développement d'une culture du jeu en mouvement, de la polyvalence, de la compétence, de la performance individuelle au profit du plaisir collectif à travers les générations. Ecoutons l'ancien capitaine Jean-Pierre Rives : "Le Stade Toulousain c'est la maison de beaucoup de monde" et le plus récent capitaine Fabien Pelous : "La plus grande fierté de ma vie est d'avoir été acteur d'une histoire qui est celle de toute une région". Voilà comment, loin d'un chauvinisme aux relents de nationalisme rabougri et étriqué, s'exprime un régionalisme ouvert, partagé et qui inscrit sa volonté de gagner dans celle de donner et non de prendre.
Vive la transmission donc ? pas si sur. Car ce qui pour le Stade Toulousain s'est avéré une clé du succès, peut tourner au désastre comme nous le démontre quasi-quotidiennement le cyclisme.
Raymond Moretti - Rugby à Toulouse
Le cyclisme est en effet géré par d'anciens cyclistes. Les dirigeants d'équipes, les entraîneurs, les organisateurs aussi le plus souvent, sont d'anciens professionnels voire d'anciens champions. Le maintien d’un circuit fermé a cultivé et développé la culture du dopage, de l’excuse toute prête et les comportements paranoïaques. Aucun grand champion ne s'est jamais totalement et véritablement exprimé sur les pratiques en vigueur dans le milieu et sur tout ce que les coureurs, amateurs compris, savent. L'omerta est totale car maintenue sans faille par l'ensemble de la famille cycliste qui, comme beaucoup de familles, croit à tort que pour rester soudée il faut taire les secrets, souvent de polichinelles.
Faute d’apport extérieur, de rupture historique, la même culture a pu prospérer et imprégner l’ensemble du milieu.
Pour le Stade Toulousain, le bon choix aura été, et reste, de privilégier une continuité faite d’ambition et d’humilité, pour le cyclisme, le bon choix eût été, et reste, une radicale rupture et une table rase que chaque jour qui passe rend plus difficile.
Une même pratique pour deux aboutissements radicalement opposés. Voilà qui met un peu de plomb dans l’aile aux recettes manageriales prêtes à l’emploi : la bonne méthode, c’est celle qui a un moment donné correspond à une situation, un contexte et un objectif. L’entreprise n’existe pas, il y a des entreprises et des femmes et des hommes qui la font vivre.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, TABLEAU NOIR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : management, ressources humaines, stade toulousain, cyclisme, dopage, transmission, seniors, emploi, culture
28/12/2010
Identités rapprochées multiples
L'expérience se renouvelle sans cesse. Lors des présentations en début de formation, il se trouve toujours une ou un participant pour dire :"Oh vous savez moi j'ai un parcours atypique...". Comme chacun, serait-on tenté de répondre. Les trajectoires individuelles se différencient et loin de l'uniformisation ou du communautarisme caricatural, mais plus souvent encore caricaturé, c'est plutôt l'appartenance à des univers différents, à des communautés multiples, à des mondes qui s'ignorent mais que les mêmes individus traversent qui deviennent monnaie courante. Avoir plusieurs visages n'est plus une utopie.
Philippe Sollers nomme Identités rapprochées multiples ces différentes facettes d'un même individu qui le rendent moins facile à ranger dans un case, moins aisé à appréhender, plus difficile à catégoriser. Il ne faut pas s'étonner que ce phénomène dérange : le simplisme de l'individu ramené à un essentiel préexistant est une référence mieux partagée que la complexité de l'être aux mille facettes. Le premier est réduit à une image grossière alors que le second se refuse sans cesse et ne vous offre un visage que pour mieux dissimuler l'autre. Reconnaître les identités rapprochées multiples (IRM), c'est accepter que l'autre dispose d'une liberté inaliénable que la plupart trouveront insupportable mais que d'autres considèreront comme le sel même de la vie.
02:26 Publié dans DES IDEES COMME CA, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sollers, irm, identité, liberté, management, ressources humaines